Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
ESPE PARIS MOBILISÉ
Archives
12 octobre 2009

La non-masterisation expliquée à la CPU

un courrier de Christine Noille-Clauzade (PR, Stendhal Grenoble 3, SLU) le 12 octobre 2009

Chers collègues,

Le pire n’étant pas toujours sûr, mieux vaux prévenir que guérir, même si le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, etc...

... Vous l’aurez compris, je voudrais vous parler de la Conférence des Présidents d’Universités, la CPU, et de la dernière oeuvre de son Bureau, une lettre sur la mastérisation en date du 2 octobre 2009 et adressée aux deux ministres de l’E.N. et du M.E.S.R.

Cette lettre est tout à la fois réjouissante, incohérente et scandaleuse : une sorte de Montagnes Russes avec dix paragraphes en guise de dos d’âne !

 

1. Réjouissante, elle l’est en ce qu’elle reconnaît, incorpore et récupère (!) tous les arguments que la communauté universitaire dans sa diversité a pu opposer au processus de la mastérisation :

- Faire courir aux étudiants trois lièvres à la fois (formation à la recherche, préparation du concours, formation pédagogique) ? La CPU avoue : "Dans cette réforme, la concomitance de la formation et du concours et la différence fonctionnelle de l’une et de l’autre posent de très nombreux problèmes".

- Économiser sur le dos des futurs enseignants le coût de leur formation professionnelle ? La CPU rapporte qu’elle a entendu parler d’un "discours selon lequel les seuls objectifs du M.E.N. auraient été l’économie d’une année de suppression de postes de fonctionnaires-stagiaires en 2010".

- L’armada des reçus-collés destinés à devenir les futurs contractuels d’un service public d’enseignement mis au régime sec ? Le bureau de la CPU, droit dans ses bottes, n’en veut pas : "La CPU est fermement opposée à ce que la réforme de la formation des maîtres aboutisse à la multiplication d’étudiants ayant réussi le master mais échoué au concours, qui viendraient abonder les rangs des contractuels de l’E.N." !

- La recherche qui passe à l’as dans un master phagocité par la préparation au concours et la formation pédagogique ? La CPU le déclare tout net : "L’initiation à la recherche n’est pas un supplément d’âme ni une concession à ceux qui ont peur que les masters recherche pâtissent de cette réforme".

- Des stages dont on ignore tout du financement, de la gestion et de la répartition ? La CPU ose cet avertissement aux ministres : "Il serait inconcevable que les stages deviennent une contrainte qui affaiblisse la qualité des masters ou en fragilise l’organisation".

Oui, il est réjouissant de voir la CPU devenue ainsi, sur quelques lignes, le porte-parole des syndicats, des associations et de tous les mobilisés contre la réforme de la mastérisation.

"Tous ensemble", nous formons désormais un front uni pour dire qu’après les circulaires et les décrets parus pendants l’été, la réforme de la formation et du recrutement est devenue la PIRE DES RÉFORMES possible.

Que faire alors ? Arrêter ou continuer ?

 

2. C’est à ce point précis que la CPU devient incohérente.

Que dit en effet celui qui, à la CPU, est en charge du dossier mastérisation (j’ai nommé Daniel Filâtre), à l’ensemble des enseignants-chercheurs, directeurs d’IUFM et personnels réunis aux États Généraux de la Formation des Enseignants ? "Il ne faut absolument pas travailler dans les universités sur les maquettes de masters d’enseignement aujourd’hui !" (voir ici)

Et que fait la CPU ? Elle continue à travailler sur la mastérisation, obstinément, imperturbablement, comme s’il était possible de transformer le plomb d’une réforme inapplicable en or de la bonne formation des enseignants (voir sur le site).

Au lieu de dire non à la mastérisation ainsi engagée et de demander le retrait des décrets et circulaires y afférant, elle dit NON avec la tête mais elle dit OUI avec le coeur, car comme le cancre de Prévert, "elle dit OUI à ce qu’elle aime" !

En effet, pourquoi ne faut-il "absolument pas" que les enseignants-chercheurs travaillent sur les maquettes ?

Parce qu’il est urgent pour la CPU d’y travailler seule, d’avancer ses pions en toute tranquillité et de faire passer sans vagues l’ensemble des réformes que non seulement elle cautionne, mais qu’elle initie et même qu’elle réclame (sans doute sur commande) au ministère - comme si la communauté universitaire qui s’est battue pendant un an pouvait réclamer aux deux ministères concernés ce que le bureau de la CPU ose écrire dans sa lettre du 2 octobre 2009 !

 

3. Car la lettre que le bureau de la CPU écrit au nom de toute la CPU contient un ensemble de propositions toutes plus destructrices les unes que les autres et qui constituent un véritable scandale :

- Scandale que la réforme des concours qui y est prônée, puisque la CPU demande d’intégrer pour partie dans le concours les résultats des travaux effectués pendant le master et de ne plus sanctionner par des épreuves anonymes et effectuées dans des conditions égales pour  tous , l’ensemble des "compétences nécessaires".

- Scandale que la " gestion des flux " qui y est décrite, puisque pour assécher la catégorie des reçus-collés, la CPU demande à ce que les universités soient autorisées à instaurer à l’entrée des masters une sélection : c’est ce qu’elle appelle gérer les flux "de façon responsable, pour nos masters et pour nos jeunes" ! Je ne sais si "nos" jeunes des syndicats étudiants applaudiront, mais je sais que limiter les inscriptions en masters enseignement à un nombre proportionné à celui des postes disponibles à la sortie (postes au concours et vacations, bien sûr) reviendrait à détourner de la préparation plus de la moitié des étudiants désireux de la suivre, et aboutiraient rapidement, par effet rétroactif, à vider les cycles antérieurs de Licence pour les disciplines où les concours sont un débouché majeur. Sans compter qu’instaurer une sélection à l’entrée du master enseignement permettra d’abandonner toute nécessité de concours à sa sortie (pourquoi en effet sélectionner deux fois ?).

- Scandale que la place de la recherche qui y est dessinée, puisque une affirmation telle que "l’initiation et la participation à la recherche [doivent être] considérées comme une véritable formation professionnelle" n’est pas vraie dans toutes les disciplines. Si c’est un point cardinal des lettres et sciences humaines, il n’en va ainsi du côté des disciplines scientifiques, où recherche et préparation concours sont deux voies complètement différenciées. Et la CPU le sait bien, puisqu’elle ne demande en aucune façon que la recherche disciplinaire soit intégrée dans les concours NI qu’elle apparaisse dans les compétences requises pour le concours. La CPU en reste à un voeu pieu et abandonne de fait à la charge des maquettes le soin de trancher la part disponible pour la recherche, signant par là son naufrage dans les masters enseignement.

- Scandale enfin que l’usage des stages qui se profile : pour les rendre contraignants aux étudiants et aux masters (les fameux cursus "intégrés", où la formation pédagogique devra se faire en même temps que la formation disciplinaire, et non à sa suite), la CPU réclame qu’ils soient pris "en compte dans le concours", ouvrant ainsi la voie à une validation par contrôle continu (note de rapport de stage) qui rompt avec le principe d’un concours républicain fondé sur l’anonymat et l’égalité devant les épreuves. Non seulement, avec cette refonte des stages qui est décidément cardinale dans la réforme, l’État évacue ses responsabilités en matière de formation initiale des fonctionnaires-stagiaires et balaie les IUFM, mais il mine l’idée même de concours de recrutement, laissant aux bons soins des rectorats la mission de choisir et de gérer les étudiants qui auront accès à un stage et ceux qui, n’y ayant pas accès, ne pourront pas valider leur épreuve.

Face à cela, que faire ?

Il me semble que notre message doit être clair :

- Disons NON AU CURSUS INTÉGRÉ, qui contraint de tout mettre en même temps et d’abandonner de fait la recherche dans les Lettres et Sciences humaines ; demandons pour l’ensemble des concours un cursus séquentiel tel qu’il existe toujours pour l’agrégation.

- Disons NON A TOUTE MESURE METTANT EN CAUSE LA NOTION DE CONCOURS RÉPUBLICAIN ET ANONYME : non à une sélection sur dossiers, non à une sélection par validation de stage ; non à l’introduction d’une validation par les universités d’une partie des épreuves du concours.

- Disons NON A L’ORGANISATION RECTORALE DES STAGES et demandons à ce qu’ils soient pris en charge et systématiquement encadrés par les IUFM, dans une formation professionnelle initiale À LA CHARGE DE L’ÉTAT - étant entendu qu’une telle mesure n’empêche pas l’introduction de modules pédagogiques dans les préparations aux concours et la validation de la compétence pédagogique par des épreuves spécifiques, validées devant un jury dans les mêmes conditions pour tous.

Que faire d’autre ?

Diffuser largement ce message autour de nous, et le transmettre pour information à tous les présidents d’université, membres de la CPU : c’est ce qu’on pourrait intituler "la non-mastérisation expliquée à la CPU" !

 

Bien cordialement,

Christine Noille-Clauzade, PR., Stendhal Grenoble 3 / SLU.

Publicité
Commentaires
Publicité
ESPE PARIS MOBILISÉ
  • Blog créé lors de la mobilisation contre la reforme de la formation et du recrutement des enseignants (mastérisation), et toujours d'actualité. Non à la casse du service public de l'éducation du primaire à l'université! CONVERGENCE DES LUTTES.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
ESPE PARIS MOBILISÉ
Publicité