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5 février 2013

Education: le Front de gauche passe sur le gril le projet Peillon

PAR LUCIE DELAPORTE, ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 4 FÉVRIER 2013 dans Mediapartcoq

Évidemment le calendrier ne doit rien au hasard. Réuni la semaine passée à la bourse du travail de Saint-Denis, alors que s'organisait une nouvelle mobilisation d’enseignants du primaire, le groupe Front de gauche sur l’éducation n’a pas caché son intention de répondre aux mécontentements ambiants. Une grève d’enseignants réputés à gauche contre un gouvernement socialiste, l’occasion était trop belle...

Créé il y a un an et demi, le groupe éducation du parti de Jean-Luc Mélenchon ne s’était pas beaucoup fait entendre depuis l’élection de François Hollande. Il assure avoir d’abord voulu observer les premiers pas du gouvernement sur l’école. Quelques jours après la présentation du projet de loi Peillon en conseil des ministres, il compte maintenant faire entendre sa différence. Et d’abord écarter ce qui, aux yeux de ce collectif, relève de faux débats. « La réforme des rythmes scolaires tape à côté des vrais problèmes », prévient d’entrée de jeu le sociologue Bertrand Geay. On ne saura donc pas la position du Front de gauche sur cette « fausse question » qui focalise toute l’attention depuis des mois.

Pour ce collectif de chercheurs militants, la loi Peillon passe d’ailleurs en grande partie à côté des vrais sujets. Malgré la priorité à l’école décrétée au sommet, la déception est là. Sur l’éducation prioritaire, où le projet du gouvernement paraît encore bien flou, ils affirment par exemple qu’une véritable réponse politique aurait nécessité des compensations entre territoires « qui ne sont pas à l’ordre du jour ». Rien, selon eux, ne vient non plus répondre aux problèmes de concurrence entre établissements, de ségrégation et de concentration sur un même territoire de toutes les difficultés.

« La libéralisation de la carte scolaire a aussi été voulue par une certaine gauche, rappelle le sociologue Choukri Ben Ayed. Or, sur le site du ministère, on explique à la fois que l’assouplissement est négatif et que ces dispositions ne sont toujours pas abrogées. » Alors qu’il faudrait clairement s’inscrire en faux contre les logiques de libéralisation du marché scolaire, « qu’attend le ministre pour réintroduire des mécanismes de régulation ? » a-t-il lancé.

Présent dans la salle, le chercheur en sciences de l’éducation Jean-Yves Rochex déplore aussi que « le gouvernement n’a(it) pas été fichu de supprimer » les internats d’excellence, censés offrir un salut scolaire aux jeunes « méritants » des quartiers populaires. Cette création du gouvernement Sarkozy s'est révélée à la fois très coûteuse et idéologiquement problématique (lire notre article sur le sujet). Le dispositif ECLAIR – ces établissements de l’éducation prioritaire qui fonctionnent avec un statut dérogatoire (recrutement par le chef d’établissement, primes individuelles, etc., lire ici ) – n’a lui non plus toujours pas disparu du paysage. Et ce, malgré les critiques à son endroit lancées pendant la campagne présidentielle par l’équipe Peillon.

«La loi consiste pour l’essentiel à amender et revenir en arrière»

Alors que la gauche a sa part de responsabilité dans le creusement des inégalités territoriales induites par des lois de décentralisation dans l’éducation, ce thème des inégalités territoriales est revenu à maintes reprises comme étant un autre angle mort du projet de loi Peillon. « La concertation de cet été a montré que les moyens vont de 1 à 10 (enquête sur les écoles primaires, l’écart concerne les crédits de fonctionnement) et on fait finalement comme si cela n’existait pas », a regretté Gérard Aschieri, l’ancien dirigeant du Snes.

Pour le Front de gauche, le gouvernement ferait également fausse route sur la question de l’orientation en voulant régionaliser la carte des formations. En clair, chaque région proposera désormais des formations aux élèves en fonction de son tissu économique et, sans doute, des besoins locaux. « C’est une conception à courte vue et fausse de la relation entre emploi et formation, a critiqué l’ancien leader syndical, ces jeunes vont exercer des métiers qui changent tous les dix ans. »

Le maintien du « socle commun » – ce que tout élève doit avoir acquis en fin de scolarité obligatoire, instauré par la loi Fillon de 2005 –, est lui aussi critiqué comme « un choix inégalitaire » par le chercheur en sciences de l’éducation Stéphane Bonnery qui y voit une sorte de « smic éducatif » pour les élèves les plus fragiles.

Même le retour à une formation initiale pour les enseignants, qui va absorber dans le projet de loi 27 000 postes sur le quinquennat, ne trouve pas grâce à leurs yeux. « Bien sûr, par rapport à la catastrophe de la masterisation, il y a une forme de soulagement, on reparle de former les enseignants », admet Bertrand Geay, qui estime néanmoins que le projet ne prévoit finalement qu’un retour à la situation antérieure avec des IUFM rebaptisés : « On ne se donne pas réellement les moyens d’une formation progressive et on continue d’utiliser les professeurs stagiaires comme des forces d’enseignement. »

Après un quinquennat particulièrement agressif contre l’école, suffit-il de vouloir réparer ? « La loi consiste pour l’essentiel à amender et revenir en arrière. Et encore pas sur tout ce qui est en soi un problème », pointe ainsi Gérard Aschieri. « Sur la scolarisation des tout-petits, on va arriver à 19 % de taux de scolarisation avec ce qui est proposé (les postes annoncés dans les ZEP - ndlr). Ce n’est pas au niveau d’avant Sarkozy où l’on était à 30 % de scolarisation des moins de trois ans. »

Se défendant d’être uniquement dans la critique, François Cocq, secrétaire national à l’éducation, a voulu montrer que le Front de gauche avait bien « un projet alternatif » pour l’école. « Ce n’est pas vrai qu’on a été au maximum des possibilités, Cette priorité bute sur le mur de l’austérité », explique-t-il, rappelant que les 60 000 postes créées dans l’éducation nationale se feront par des coupes dans l’ensemble des services publics. « Nous ne sommes pas de ceux qui pensent qu’il suffit de changer l’école pour changer la société. L’éducation, ce n’est pas un îlot dans un océan capitaliste », précise-t-il. Il est aberrant selon eux de parler des rythmes scolaires sans parler aussi « du temps des salariés, du temps des familles ».

En se donnant plus de marges de manœuvre budgétaire (le Front de gauche propose que le budget de l’éducation nationale passe de 5,6 à 7 %), estiment-ils, le gouvernement aurait pu répondre aux « urgences » que représentent « ces 23 000 précaires de l’éducation nationale », mais aussi mettre en œuvre une politique plus ambitieuse de pré-recrutement et « doubler le budget de l’enseignement professionnel ». Pour retrouver un peu d’air, le collectif propose par exemple de supprimer la loi Carle qui accorde d’importants crédits à l’enseignement privé.

Alors que la loi d’orientation et de programmation sur l’école arrive à l’Assemblée mi-mars, le Front de gauche promet de ne pas faire de la figuration dans l’hémicycle. Après tout, comme l’a souligné Christine Passerieux, secrétaire du groupe français d’éducation nouvelles (GFEN) : « C’est aussi avec nos voix que François Hollande a été élu. » 

 

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